Bernard Stiegler – La société automatique
La numérisation généralisée qui est en cours conduit à l’automatisation intégrale, et ce fait emporte des questions épistémologiques aussi bien qu’économiques, sociales et politiques de première grandeur.
Cette conférence s’attachera tout d’abord à esquisser le contexte de cette métamorphose des sociétés – qui se décline aussi bien du côté du calcul intensif et de la smart city que de la production robotisée, de la neuro-économie, du corps et de la transformation des conditions de la décision dans tous les domaines.
Elle tentera ensuite de montrer que toute l’organisation économique qui s’était concrétisée au cours du XXè siècle autour de l’organisation fordiste et keynésienne de la production et de la consommation s’en trouve compromise.
Elle soutiendra enfin qui, d’une part, loin d’être le contraire de l’automatisation, la capacité de décision la suppose, et d’autre part, seule l’automatisation qui permet la désautomatisation est productrice de valeur durable – c’est à dire de néguentropie.
Bio
Sous la direction de Jacques Derrida, Bernard Stiegler soutient sa thèse à l’École des hautes études en sciences sociales en 1993 et obtient un doctorat de philosophie. Il axe sa réflexion sur les enjeux des mutations actuelles — sociales, politiques, économiques, psychologiques — portées par le développement technologique et notamment les technologies numériques.
En 1987, il conçoit l’exposition « Mémoires du futur » et en assure le commissariat au centre Georges Pompidou.
A partir de 1988, il enseigne à l’Université de technologie de Compiègne (UTC), et y devient directeur d’une unité de recherche qu’il fonde en 1993, « Connaissances, organisations et systèmes techniques ».
Il lance en 1989 le projet LECAO (« lecture et écriture critiques assistées par ordinateur ») avec le soutien du ministère de la Recherche ; il crée et lance également le séminaire de sciences et technologies cognitives de Compiègne, qui se poursuit depuis chaque année au cours de la dernière semaine de janvier, et qui aura reçu plus de mille doctorants et chercheurs français et étrangers ; il lance le programme OPEN (« outil personnalisable d’édition numérique ») puis conçoit la station de lecture audiovisuelle (SLAV) du dépôt légal de l’autiovisuel pour l’INA ?
Bernard Stiegler devient directeur général adjoint de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) en 1996, directeur général de l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (Ircam) en 2001, puis il fonde l’Institut de recherche et d’innovation au Centre Pompidou en 2006, d’où il anime le réseau international digital studies network. Il a été professeur à l’université de Londres de 2008 à 2014, et visiting professor à Northwestern, Cambrige et Zurich. Il est fellow des universités de Lüneburg et de Dublin, et il enseignera à partir de 2015 à l’université Humboldt de Berlin.
Bernard stiegler est fondateur et président depuis 2005 d’ARS INDUSTRIALIS, une association d’étude et de réflexion transdisciplinaire sur le nouveau monde industriel qui émerge avec le numérique. Posant qu’il n’y pas de vie de l’esprit sans instruments spirituels, Ars Industrialis s’est fixé pour but de concevoir un nouveau type d’agencement entre culture, technologie, industrie et politique autour d’un renouveau de la vie de l’esprit.
Inscrite dans cette démarche, s’est ouverte en septembre 2010 l’école de philosophie d’Epineuil-le-Fleuriel, où Bernard Stiegler propose des cours de philosophie en ligne (www.pharmakon.fr) et anime un séminaire doctoral en visioconférence qui rassemle quarante chercheurs de quinze pays.
Bernard Stiegler est membre du Conseil national du numérique, du comité de prospective de l’Arcep, du comité d’orientation d’Etalab, du comité d’orientation stratégique France univesité numérique, de l’institut Diderot et de l’Institut de la mémoire B2V. Il est l’auteur de trente ouvrages.
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L’art de la créativité
L’expression classique utilisée lorsqu’il s’agit de créativité est ” penser hors du cadre”. Mais cette expression met l’accent sur la partie finalement la plus aisée. Quitter le “cadre” existant est indispensable certes, mais la vraie question est de savoir quel sera le nouveau. Nous ne pouvons en effet pas penser sans représentation du monde. L’art de la créativité est donc celui de créer des structures mentales en rupture qui permettent dans un deuxième temps de trouver de nouvelles idées. La surprise est alors de constater que beaucoup de ces idées que l’on croyait ” nouvelles ” existaient en fait depuis bien longtemps….